Quoi ?
Les spatialités désignent l’ensemble des relations que les sociétés humaines entretiennent avec l’espace qui les environne. Elles se concrétisent dans des agencements d’échelles, de distances et de substances diverses qui procèdent de nos manières de vivre ensemble et les affectent en retour : les paysages, les lieux, les territoires, les mobilités, les réseaux, les frontières, etc. en sont quelques expressions parmi les plus emblématiques. Elles sont symbolisées dans nos imaginaires, catégories, savoirs, mythes, etc.
Les spatialités intéressent aujourd’hui l’ensemble des sciences humaines et sociales au point de constituer désormais une dimension d’étude prégnante, y compris de la part de disciplines qui s’en étaient jusqu’à présent peu saisies : par exemple, la géocritique invite la critique littéraire à s’intéresser aux spatialités, de même que l’histoire croisée replace l’espace et les circulations au cœur de l’analyse historique.
L’entrée par les spatialités permet donc d’éclairer sous un angle renouvelé les questionnements propres à chacune des disciplines des sciences humaines et sociales, tout en autorisant des formes d’interdisciplinarités inédites et des circulations fécondes entre elles. L’existence des disciplines et leurs contours se trouvent en retour questionnés par ces nouvelles transversalités.
Pourquoi ?
Ce projet éditorial d’ampleur s’inscrit ainsi dans la perspective du tournant spatial défini et promu par le géographe étatsunien E. Soja en 1989 et développé comme « tournant géographique » par le géographe français Jacques Lévy à partir de 1996. Celui-ci caractérise les sciences humaines sociales depuis la fin du XXe siècle. En mettant en évidence la dimension spatiale des sociétés, les approches que ce tournant nourrit interrogent les circulations de concepts et de questionnements entre les disciplines ainsi que les transformations d’un paysage intellectuel en profonde recomposition. Les héritages disciplinaires, ainsi que les chronologies et les partitions qu’ils nous ont léguées, se trouvent à leur tour mis à l’épreuve.
Ce tournant invite aujourd’hui à questionner la récurrence de moments propices à l’émergence d’un questionnement spatial. Si le tournant spatial est la modalité contemporaine que prend ce questionnement, il ne doit pas occulter les différents contextes qui ont successivement permis de faire des spatialités un questionnement heuristique : c’est aussi une manière de mettre en question le caractère inédit et récent de ce tournant, et d’interroger les spécificités de la demande scientifique et sociale pour les spatialités.
En effet, l’émergence du tournant spatial s’inscrit dans un contexte qui rend les dynamiques spatiales des sociétés particulièrement saillantes : la mondialisation, l’essor des mobilités, l’urbanisation, la disparition ou le renforcement des frontières ou encore la crise environnementale, etc. transforment les sociétés à toutes les échelles. Les spatialités deviennent un élément central de la théorie sociale. Cet ouvrage s’inscrit donc résolument dans ce débat, tout en interrogeant ses modalités et le programme qu’il dessine.
Pour qui ?
Par son ambition et sa transversalité, cet ouvrage de référence à vocation à s’adresser aussi bien aux étudiant·e·s qu’aux spécialistes des sciences humaines et sociales. Alors que le paradigme spatial entraîne une redéfinition des découpages et aboutit à une remise en cause des partages disciplinaires, cet ouvrage entend permettre à ses lecteurs de s’orienter dans des disciplines en pleine reconfiguration, de situer les débats et les questionnements contemporains.
Comment ?
L’originalité de l’ouvrage tient autant à l’ampleur du contenu qu’à l’originalité de sa conception et du dispositif qu’il met en œuvre. En effet, l’ouvrage permettra non seulement d’interroger les spatialités en mobilisant les pensées de plus d’une centaine d’auteur·e·s majeur·e·s des sciences humaines et sociales, du XIXe siècle à nos jours, notamment à partir de leurs textes les plus significatifs, en les mettant en dialogue avec pas moins d’une centaine d’entrées transversales portant sur des concepts, des approches, des outils et des démarches qui permettent de penser les spatialités.
La conception de l’ouvrage repose sur un dispositif de navigation interne innovant qui permet au lecteur de circuler en hypertextualité entre ces notices : elle convoque une démarche spatiale par le design et constitue un bel exemple de mise en abyme éditoriale des circulations décrites dans l’ouvrage. Ce dispositif permettra des circulations et des rencontres inédites, au-delà des logiques disciplinaires ou historiques, et produira un regard renouvelé sur les spatialités. Conçu en plusieurs parties (ou volumes), l’ouvrage installe au centre du dispositif, un ensemble de planches graphiques qui entendent proposer une hypertextualité signifiante. Celle-ci renouvelle en profondeur le genre du dictionnaire et augmente ainsi son efficacité. Tout à la fois dictionnaire des penseur·e·s de la spatialité, histoire des sciences, anthologie des textes fondateurs, atlas et frise chronologique des pensées de la spatialité, etc., cet ouvrage a l’ambition de devenir un usuel incontournable pour penser les spatialités contemporaines.
Nous recourrons pour ce faire à la constitution d’une base de données, outil opératoire de l’hypertextualité et de sa mise en visibilité. Celle-ci sera gérée par un ingénieur d’étude en traitement et analyse de données. Cette base de données sera co-construite par les rédacteur·e·s (cf. Vade-mecum, en pages et ).
En résumé, l’ouvrage sera donc conçu autour de quatre parties qui permettront chacune de décliner et de mettre en œuvre son titre :
- Penser les spatialités par l’examen de la pensée de plus d’une centaine d’auteur·e·s ;
- Penser les spatialités par un ensemble notionnel, théorique et historique qui permette de circonscrire le champ des spatialités ;
- Penser les spatialités par la mise en œuvre d’une démarche spatiale au sein de l’ouvrage ;
- Penser les spatialités par la constitution d’un corpus d’extraits des principaux textes des sciences humaines et sociales qui permettent de problématiser les enjeux et les questionnements des spatialités dans lesquelles ces pensées sont énoncées.
Avec qui ?
Dirigé par une équipe de cinq géographes, spécialistes à la fois des spatialités et des sciences humaines et sociales, l’ouvrage réunira un consortium multidisciplinaire et international d’une centaine d’auteur·e·s, sollicité·e·s pour leur expertise, et invité·e·s à développer un regard singulier et critique sur ces pensées et leur circulation.
Quand ?
Les échéances pour la rédaction des fiches sont les suivantes. Idéalement, nous souhaiterions recevoir les premières fiches pour le 15 juillet 2024, afin de que nous puissions commencer le travail de relecture et débuter les bases de données associées (cf. p. et p.). Toutefois, nous savons que ce délai réduit n’est pas tenable par tou·te·s. C’est la raison pour laquelle nous fixons comme ultime date limite, le 15 octobre 2024. Nous espérons ainsi une publication en 2025.
Université de Lausanne, 13 avril 2023.